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Titre du blog : Art-Andy
Auteur : xmissbzh
Date de création : 02-01-2009
 
posté le 17-05-2011 à 16:31:12

Du Haut-Médoc aux médocs

Chapitre 10






Je vis à présent chez Marie-Antoinette dans un hangar qui lui appartient et dont elle n’a plus l’utilité.

Ma grand-mère avait besoin de secours et j’espère être un bon petit fils. Elle laissait dans l’évier de sa cuisine quinze jours durant sa casserole avec dedans deux ou parfois trois œufs noirs calcinés. Si la casserole restait parfois sous le feu ou si elle oubliait de s’alimenter, Marie-Antoinette n’omettait par contre jamais de poivrer ses œufs.

Ma grand-mère aimait bien les œufs mollets et surtout ceux à la coque.

Un peu de sel, un peu de poivre.

Elle plongeait dans l’œuf ses bâtons de pain au beurre demi-sel.

Marie-Antoinette aime bien le poivre.

Souvent, depuis tout petit, elle me disait :

- Andy, à tire-larigot, j’adore le poivre.


Ma grand-mère laissait dans l’évier sa vaisselle trop répandu en vrac et une odeur nauséabonde s’en dégageait créant une odeur récalcitrante imprégnant l’enveloppe atmosphérique de sa maison.

Ses locataires ne lui payaient plus.

Il fallait mettre de l’ordre en urgence là dedans. Ma grand-mère avait à louer de nombreuses chambres meublées sous les combles mais aussi au rez-de-chaussée.

Marie-Antoinette ne se levait pratiquement plus de son lit. Elle se levait, quand elle le pouvait, juste pour se faire ses œufs à la coque.

Sur le plat parfois.

 

Elle me disait :

- Andy, à tire-larigot, j’adore le poivre.




Dans la petite cour, derrière la maison de mon aïeule, une annexe servait de chambre meublée. Le locataire de celle-ci avait quatorze chats. Un autre jour, il y en avait dix. Et un autre, il y en avait douze.

Toutes les boîtes de conserves vides ayant contenu la pâtée pour ses chats s’entassaient dans un recoin de la pièce.

Dans la petite cour, un escalier descendait dans une cave. La cave n’était plus accessible tant il y avait de détritus déposés là par ce locataire.

Pour l’hygiène de vie, j’ai dû mettre de l’huile sur mes genoux et sur mes coudes. Dans ce fracas, il y avait des boîtes de chaussures vides de leur contenu. À côté des chaussures. Et puis un parapluie noir. Un autre rouge. Des pull-overs en vrac. Un imperméable. Un pull marin rayé noir et blanc. De nombreuses poubelles pleines. Une poupée avec un bras en moins. Des bottes en cuir. Des chaussures à talons. Et puis des bottes en plastique pour enfants. Et deux bouteilles de gaz au pied de l’escalier.

Et encore des conserves ayant contenu de la pâtée.

Et encore.




Enfant, j’avais déclenché à mon insu un brasier de cette cage d’escalier qui mène au sous-sol.

La cave était accessible à cette époque.

Dans la cave, il y avait une source d’eau et une cuve à pétrole.

Sur la nappe d’eau qui résistait, un fin tapis luisant.

Des planches de bois pourries avec leurs clous rouillés dépassant et quelques vieilles gamelles flottaient aussi sur ce fioul échappé.


Marie-Antoinette avait toujours plusieurs grosses boîtes d’allumettes dans les tiroirs de sa cuisine.

Assis en haut des marches, j’avais jeté sans attention au pied de l’escalier des brins consumés.




Le feu a commencé tard en fin d’après-midi.


La police judiciaire voulait m’entendre m’inculpant pour me faire passer devant un juge pour enfant. Elle imaginait que j’avais déclaré l’incendie pour immoler avec volonté MA Marie-Antoinette.

Immoler ma grand-mère.


Nous étions en 1978 quand l’Amoco Cadiz a échoué à Portsall au large des côtes bretonnes dans le nord du Finistère.

Moi je voulais juste enflammer une de mes petites voitures pour qu’elle ait l’air d’un véhicule accidenté et surtout calciné.

C’était un long break vert pastel.

Pour cela, j’avais imbibé ma Majorette de colle forte que ma grand-mère avait souvent aussi dans ces tiroirs.

Moun est intervenu vivement pour que mon nom ne soit pas cité dans ce dossier.


Dans la cuisine de mon aïeule, il y avait un petit aquarium rond dans lequel se baignait un poisson rouge.

Le bocal était rempli d’eau.

Et le poisson rouge tournait inlassablement.






Je m’occupais donc de Marie-Antoinette en soirée.

En journée, je frappais sur les touches d’un clavier noir pour taper du texte de manière dactylographique.

Assis toute la journée, il n’y avait pas de bambous ni de piano pour jouer debout.


Mes collègues de la formation professionnelle consommaient une résine couleur chocolat. L’esprit tranquille, l’occasion était grande profitant d’une soirée avec mes gars pour tirer une taffe.

Finalement j’aimais fumer pour faire bamboche.

Cependant, je craignais l’émergence de mon lointain démon christique peut-être encore imbriqué dans un coin insoupçonné entre trois neurones de mon complexe labyrinthe cervical. Il n’aurait pas fallu un retour de boomerang car je n’aurais pas supporté de me faire interner par ma propre initiative pour me retrouver seul dans une chambre d’asile cachetonné aux médocs.

Mais la verrue était soignée.

L’abstinence guérie les maux.

Il faut croire.

Mon Jésus de Nazareth n’était plus.


Nous avions trois packs de six bières de Lancelot et un litre de Haut-Médoc. Un Château Sociando-Mallet année 1988. Tous célibataires, nous avons terminé devant le zinc du café du coin.




Dans mon hangar, je n’avais pas d’eau courante. J’allais chercher l’eau avec plusieurs bidons dans le couloir de l’entrée de la maison de Marie-Antoinette.

Le robinet se trouve dans un angle du couloir à côté du water-closet des locataires.


Dans mon hangar, je n’avais pas de cuisine.

Ni de salle de bain.

Mais j’avais mon water-closet privé. Un rudimentaire pot chimique dans une pièce intime de ce loft délabré.

Le chiotte avait sa place.

La pelle et son balai aussi.

Dans la grande salle, j’avais entreposé mes tableaux, de l’arte povera. La lumière manquait pour travailler ma peinture. Mon seul point jaillissant faisait office de porte d’entrée pour ce grand loft.

Une baie vitrée assombrie par un porche mal situé.

 

 




Je suis revenu dormir chez maman espérant que Marie-Antoinette me suive. Madame avait son caractère.

- Tu viens avec moi habiter chez Moun ?

- Non.

- Grand-mère...

- Je ne quitterai pas ma maison.




Marie-Antoinette a vendu le hangar au crêpier installé depuis peu dans des locaux juxtaposant la maison de mon aïeule.

Six longs garages.


Depuis la crêperie a été rénovée.

Des crêpes froment ou des crêpes blé noir. Des crêpes froment à la vanille ou des crêpes froment à la cannelle.

Délicieuses.

Dans le Finistère et les Côtes-d’Armor la crêpe blé noir a le nom de galette.

Dans les rayons du commerçant, il n’y a que des crêpes à emporter. Des bouteilles de lait ribot et du lait caillé bien exposés en rangs. Alignés sur étagères réfrigérées, du cidre doux et brut sont à vendre. Des œufs frais aussi pour garnir les crêpes.

Et puis du miel canadien et du miel aux fleurs d’orangers.

Et plein de confitures.

Au citron. À l’orange. À la pomme Granny-smith. Au pain d’épices. Au miel. À la banane. Au chocolat et à l’abricot.




Quand j’étais môme, les six vieux garages servaient d’atelier appartenant à un ébéniste. Le mercredi en milieu d’après-midi, je passais voir souvent Félix travailler à côté de son vieil employé.

Il y avait quelques mots entre moi et Félix.

- Bonjour...

- Tu vas bien ?

- Oui.

Je l’observais debout sagement au prêt de sa hanche. J’adorais l’odeur qui régnait dans son garage. Nous sentions les parfums mélangés des différentes essences de bois.

À l’entrée de son atelier, il y avait la pierre ponce lisse et noire.

Je trouvais amusant que Félix et son employé s’autorisent à cracher sur la pierre plate pour affûter efficacement leurs ciseaux à bois.


Aussi je souriais sournoisement espérant avoir le droit aussi de cracher dessus.

 

Commentaires

sandie le 13-07-2011 à 15:53:14
C'est plutôt moi qui risquerait de m'évaporer...j'en suis à la 15ième bouteille lol je repasserai voir tout ça...bises a+
xmissbzh le 09-07-2011 à 13:45:27
pour sandie, t'inquiète les prochains chapitres arrivent bientôt...

pour ce qui est de l'expo, photographies de mes créations bien sûr dans les jours qui viennent.

Et vidéo de l'ensemble certainement.

j'espèr que ton rye (whisky canadien) ne va pas s'évaporer...

tchao tchao. à+


pour justnasty, merci merci. à+
sandie le 29-06-2011 à 05:38:45
Bcp aimé l'analyse de mon petit rat....mais c'est pas tout ça, faudrait pas t'endormir sur ton expo (pfff c'est retransmis sur le net pour ceux qui sont loin ?? :(( ) reste 2 chapitres tu vas pas me laissé en plan avec mon whisky breizh quand même !!!


A+ (c'est d'usage)
justnasty le 28-06-2011 à 14:39:26
J'vai pas mentir : je haie les blog avec des mots et des mots et des mots et des mots et des mots et des mots et des mots et des mots et des mots et des mots et des mots et des mots .............................................................et aussi des fois ( sa arrive ) DES MOTS . Mais la j'ai fait un effort et j'lai pas r'gretter LOL
SANDIE le 14-06-2011 à 23:00:42
Bon bon bon ....
sandie le 30-05-2011 à 15:17:55
un titre comme je les aime...Pas vraiment fait attention au jeu de mots à la première lecture !!
xmissbzh le 21-05-2011 à 08:21:23
hep!! la suite au prochain chapitre...


je vois ke tu ne te lasse pas de mon écriture, de mes souvenirs, et de mon histoire de vie.

c cool. à bientôt. biz
sandie le 20-05-2011 à 14:34:59
Pis alors ??? t'as craché ? j'veux savoir moi !!