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Titre du blog : Art-Andy
Auteur : xmissbzh
Date de création : 02-01-2009
 
posté le 10-07-2012 à 13:10:35

Le dernier souffle

Chapitre 17






Vingt mois.

J’avais reconstruit mon puzzle. Sensation de légèreté et accession d'une nouvelle personnalité encore fragile.

Dédé mon batracien m’embaucha comme barman dans son nouvel établissement. Café irlandais.

M’humiliant discrètement derrière le comptoir, les clients ne voyant rien, je l’interrogeai donc rapidement espérant une réponse saine, concrète et objective :

- Dédé, pourquoi me marches-tu continuellement sur le bout de mes orteils ?

Le père de ma filleule, sourire pincé comme celui de la Joconde :

- C’est moi le patron.


Fixant lourdement l’intérieur de ses yeux j’ai tenté de cerner son sérieux dans un grain d’humour. Mais rien. Point de prunelles rieuses.

Frissons sur mes joues.

Incohérence.


Je rompus mon contrat d’embauche.

Il était ridicule à vouloir être trop gentil. De la naïveté naît la bêtise.

Qu’avait-il ce mec à me prendre pour un chien ?






Tournant décisif de mon chemin.

J’étais perdu dans un tunnel.

Deux ans.

Je suivis Alice et son fils pour un séjour sur les vrai pas du Jésus de Nazareth. Israël. Devant le Mur des lamentations, soleil décapant, j’ai cru voir la vierge Marie au milieu de tous ces hommes vêtus de noir avec leur kippa. Une lumière. Il y avait Marie-Madeleine à ses côtés.

J’ai fait une prière.

Joseph était absent. Il devait sculpter dans son atelier la croix de son fils.

Une commande de l’administration romaine ?




Les étoiles toujours aux dessus de la tête, Alice alla de pire en pire. Trois jours que nous avions posés le pied sur la Terre sainte. Monté d’ammoniac dans le corps.

Trop d’abus.

Alcool.

Ecstasy.

Chambre d’hôpital en urgence.

Obligation.


J’ai pris un café avec Barbara la dangereuse qui nous avait suivi.


Plus tard, devant le portillon de la cité des Anges, peur de la franchir, Alice agonisait laiteuse dans son lit d’hôpital.

Morphine en intraveineuse.

Dix jours.

Exsangue.

Corps fatigué.

Paupières basses.


Plus de mots.


C’est un jeudi soir vers 23h32, en novembre 2009, que Barbara Love proposa aux gens de la médecine une noyade définitive pour Alice. Décision tranchante et océan éthéré d’une sphère impalpable.

Le soldat de la médecine ne déclina pas.

La question était éthique à savoir s’il faisait légitimement son métier. Mais c’est un homme de sciences. Ayons confiance.

Le fils était anéanti.

En accord avec la décision.


Surdose volontaire devenant poison mortel.

Trois minutes insupportables.

Dix huit secondes supplémentaires.

Invivable.

 

Alice nous donna l’impression de manquer d’air offrant à ses spectateurs une aspiration trop largement prononcée toutes les trente trois secondes. Le corps cherchait la vie.

Encore.

Mais plus d’espérance.

Juste avant son dernier souffle, j’ai cru voir son décès. Mais Alice respira à nouveau un bon coup.

Dans ce contexte, le plus agnostique des athées aurait certainement supplié un Dieu (certes imaginaire) pour lui garantir une sérénité dans la douleur.




Soudain le corps de Madame Alice Wolgman s’est assoupi.

J’ai regardé en l’air.

Mélancolie et soulagement. Cela à l’air de rien, mais j’ai vu son dernier sourire sur la blancheur de la peinture brillante du plafond de la chambre d’hôpital.

De ce grand lac aérien, elle me souffla connement :

- Tu as tout compris Andy.

Moi dans ma détresse :

- Chose cruelle d’avoir attendu ton dernier souffle.

J’étais seul avec elle lorsqu’elle est partie.




Foie défectueux. Pancréas en vrac. Glande thyroïde excisée. Poumons lui pourrissant trois marches d’escalier. Pour qu’Alice puisse continuer à respirer sa vie confortablement, une greffe de tous ces organes devait être inévitable.

Aurait-il fallu qu’Alice le veuille ?

Pour elle, c’était un refus catégorique, considérant cela comme de l’acharnement médical. Action à l’encontre de son idéal.


Son fils, Barbara Love et moi sommes rentré avec les cendres. Le pied sur le tabernacle de l’aéroport de Roissy, le décès d’Alice me persécuta le ventre me disant avec intuition qu’elle avait dû se sentir partir pour venir crever au pays des Hébreux. La tribu de son sang.

 


 

 

Six mois plus tôt.

En intimité, tous deux allongés sur les draps blancs de son lit, Alice m’avait avoué déjà ne plus vouloir rester. Battante et rebelle pourtant, Alice, épuisée et las, avait renoncé à l’espoir d’une vie meilleure depuis le suicide de son second mari.

C’est depuis qu’elle ne supportait plus la bêtise des gens et la lâcheté de ce monde absurde.


Aujourd’hui, Alice me manque telle que j’ai dû me résigner à ne plus voir son fils et son amie Barbara Love. Pleurer dans les bras de son amie dangereuse aurait été pour moi glauque et insupportable.

Vingt deux mois pour faire mon deuil.






Et maintenant ?

La Chèvre de Picasso de mon salon rouge garda ce film de ce que l’on appelle dans le jargon de la psychiatrie un retour de refoulement. Mon verre de whisky est toujours à mes côtés.

Elle me le glisse incessamment dans le creux de la tête :

- À cinq ans et trois mois, tu as vu une adolescente chaussée de pantoufles avec comme avatar sur le dessus Titi et le Gros minet. Violet, son pantalon à pattes d’éléphant est en velours. Pull à col roulé en acrylique rouille. Au bout de sa manche, trois ou quatre fils pendouillent.

Sortant de la chambre, un œil sur toi, surprise dans sa fuite et semblant l’innocence, Julie, l’adolescente avec sa queue de cheval blonde, te cracha :

- C’est rien.


L’adolescente ferma la porte fermement. Toi, ton sexe est encore dressé sous ta petite culotte blanche.


Alors tu te souviens que Madame Kerplouz était partie faire des petites courses. En te couchant :

- Toutes mes filles sont là pour veiller sur toi.




Sur ton bas ventre un liquide transparent. Rien d’alimentaire pourtant avec son léger goût fade de pamplemousse.

Mucus des glandes de Gowper ?

Cette sécrétion masculine est effectivement présente aux prémices de la spermatogenèse. Sa fonction est d’atténuer l’acidité des traces d’urine dans l’urètre en amont d’une éjaculation éventuelle.


Nettoyage du chantier.


Sur tes gardes maintenant, Morphée n’étaient plus avec toi. Plus de bras. Tu eus deviné alors à travers les fines fentes des persiennes le fils d’Hypnose de l’autre côté là-bas loin de toi sur un gros cumulus gris et blanc.

La chambre est sombre.






Vinta minutas.

L’adolescente est au côté de sa mère, Madame Kerplouz, pour te lever du lit.

N’imagine pas le pire. Mais plus tard dans ce jardin au style d’Eden, la benjamine, douze ou treize ans, te menaça :

- C’est notre secret. Ok ? Sinon j’en parle à ton père.

Toi, criant silencieusement :

- Oui.

Elle de reprendre :

- C’était un mauvais rêve.

Ton sort était joué. La firme cinématographique de l’empire Kerplouzien avait pour slogan « Silence and attouchement ».


Tu gardas ton silence.

Bouche cousue.


Ainsi le désordre était né.

Ton chiffre huit se confondait avec le trois.

Le chat devenait un chien.

L’éléphant vert une souris rose.

La dyslexie s’installa sur ta langue telle un virus se propage aujourd’hui dans nos circuits informatiques.


Ta mère prit les devant.

Pour thérapie, séances d’orthophonie.

Ce corps est un monstre à deux têtes avec l’orthoépie à droite et la phoniatrie à gauche. Ou l’inverse.






Quand me confiant à ma mère trois semaines après ce fameux rendez-vous de 14h33, Moun me glissa en première ligne :

- À l’époque, ton père s’était tapé l’ainée.


Mon noumène fut secoué de son intégrité.

L’évidence était réaliste.

Julie n’était plus seule responsable de ses actes en mimant sa grande sœur gourmande.

Le premier coupable était mon père pour avoir couché avec l’ainée. Comment ne pas lui en vouloir ?






Quand dernièrement j’eus conté mon histoire à une nouvelle amie, elle m’avoua, elle, avoir été violée à treize ans par cinq garçons. Tournante dans une cave d’une cité H.L.M à Quimper. Elle, elle s’est débattue avec le premier. Quatre à tenir ses membres. Et puis après le deuxième, elle a fini par occulter ce qu’il lui arrivait.

Puis elle s’est tu.

Les oreilles comme endormies.

Son regard sur chacun de ses derniers agresseurs pour ne pas les oublier.


Quarante deux minutes de cauchemar.




Juin 2012.

Je ne suis plus ce Jésus de Nazareth, évidemment, mais je reste convaincu par la foi qu’un seul élément salvateur façonnera les esprits pour guérir ce monde malade. Par les médias. À moins que la Mère nature ne le décide autrement.


Me direz-vous que je suis fou ? Votre âme et conscience fait votre pensée.


Dans le Pacte neuf, lettre aux Hébreux par un hébreu inconnu, acte 10.37 : « Encore un peu, et celui qui vient viendra sans retard. »






Fin.

 

 

Commentaires

anick le 01-05-2013 à 10:28:32
Ce qui me rassure dans ton récit c'est que c'est bien plus que romancé. Le personnage qui est sensé être moi ne me ressemble pas du tout ! Donc tu peux faire ce que tu veux avec ces écrits, cette fille n'est pas moi. J'ai vu aussi que tu allais éditer ton livre chez édilivre, bravo !! Mais après il va te falloir faire les salons pour le vendre et ça c'est pas de la tartre. Comme édilivre n'est pas considéré comme un éditeur mais plutôt de l'édition pour écrivain auto-publier, tu auras du mal à te faire inviter. Fais aussi très attention au prix qu'ils vont te demander et renseignes toi aussi sur le prix de l'impression seule en numérique, tu peux faire de très petits tirages et parfois c'est beaucoup plus avantageux qu'Edilivre. Ne crois pas non plus au courrier qu'il t'envoie vantant tout les mérites de ton ouvrage, ils disent ça à tous le monde. Etant dans l'édition, je peux te rencarder sur les imprimeurs.

Normalement, un auteur n'a absolument rien à payer pour être édité, et pour savoir si tu es chez un vrai éditeur il te suffit de lire le contrat, si celui-ci est un contrat d'éditeur et que l'éditeur prend tout en charge alors ok !! Fonce, si c'est un contrat d'auteur et surtout si tu dois donner le moindre argent alors réfléchis vraiment. J'ai rencontré lors d'un salon un gars qui avait payé 3000 € à son éditeur pour 300 bouquins ! La belle affaire !! Voilà une belle escroquerie, alors méfie toi et regarde bien où tu mets les pieds. Il y a pléthore de gens qui se font des couilles en or sur les autres et qui profite de l'ignorance de certains auteurs. Voilà, si tu veux des renseignements, n'hésite pas, il y a toute mes coordonnées sur le de ma maison d'édition.
anick le 01-05-2013 à 10:13:51
Ben ça va plutôt bien ! Les enfants aussi. On vient à Lorient pour le festival Interceltique, normalement, on aura un stand au quai des livres.

Ben sinon, je trouve que tu écris pas trop mal, j'ai pas tout lu mais c'est pas mal !! Bravo.
xmissbzh le 22-04-2013 à 21:43:11
Au plaisir que tu m'es lu. Pour "la dangereuse", c'est toi, anick, qui me l'a sorti en sortant de chez moi après notre première nuit ... "je suis une femme dangereuse aux yeux de la justice".

...

alors dit moi quand penses-tu de ce gros bébé que je nomme salon rouge, toi, dévoreuse de bouquin et grande admiratrice de victor hugo et d'arthur rimbaud ?

...

Tiens en fait, je déménage dans une semaine pour habiter riantec de l'autre de côté de la rade de lorient. je quitt mon voisin fou que tu connais. ça devenait insupportable ...

je te fais pas le tableau, t'imagine la scène ...

Et toi comment vas-tu ? les enfants vont bien ?

j'espère à bientôt.

biz biz
anick le 22-04-2013 à 15:58:21
L'histoire est celle que l'on retient mais rarement celle des autres. En tout cas, ça fait un drôle d'effet d'être appelé Barbara la dangereuse, la folle, la cinglée, l'hérétique, la démente !
sandie le 10-07-2012 à 13:22:57
Je reste sans voix.

Ca viendra...peut-être...plus tard.


Bises